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Photo du rédacteurChristian Lödden, L.L.M.

EncroChat devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) – Décision reportée, une opportunité manquée ?

La CEDH a rejeté les plaintes de deux citoyens britanniques contre les mesures EncroChat prises par les autorités françaises pour violation présumée de l'article 8 de la CEDH. Les plaintes ont été jugées irrecevables, car les plaignants n'avaient pas épuisé les voies de recours en France. En même temps, la CEDH a explicitement déclaré que les personnes accusées d'avoir utilisé un appareil EncroChat doivent avoir la possibilité de contester légalement l'ordonnance de surveillance en France.

Quel était l'objet de la plainte ?

Les plaignants ont fait valoir que les mesures de collecte de données sur les appareils EncroChat prises par les autorités françaises violaient l'article 8 de la CEDH, car il n'existe aucun recours juridique efficace contre l'ordonnance judiciaire en France. Ils ont cité des arguments issus des affaires CONTRADA c. ITALIE (n° 4) (2507/19) et WIEDER ET GUARNIERI c. ROYAUME-UNI (64371/16 et 64407/16).

Comment la France a-t-elle argumenté ?

La France a affirmé qu'il existe des voies de recours, mais a reconnu qu'en pratique, ces recours sont souvent inaccessibles aux ressortissants étrangers, notamment en raison du grand nombre de personnes concernées. Elle a suggéré que ces individus peuvent plutôt chercher des recours juridiques dans leurs propres pays (comme indiqué dans la réponse de la France à la CEDH, disponible ici).

Quelle a été la décision de la Cour ?

La Cour a d'abord établi que la France avait compétence dans cette affaire, car les mesures de surveillance ont été menées par les autorités françaises.Elle a également reconnu le "statut de victime" des plaignants, bien qu'ils n'aient pas admis avoir utilisé des appareils EncroChat. Il suffisait qu’ils soient accusés de cette utilisation.La Cour a en outre conclu que le droit français offre un recours juridique pour contester les ordonnances de surveillance, et que les plaignants n'avaient pas suivi cette voie.

Quelles sont les implications pratiques ?

Avec des collègues de Belgique, des Pays-Bas et d'Italie, j'ai suivi cette voie juridique pour les personnes concernées par EncroChat et SkyECC en France. Nous avons déposé des plaintes, mais comme prévu par la France dans sa réponse à la CEDH, les tribunaux français ont rejeté ces plaintes comme irrecevables. Les affaires sont maintenant devant la Cour de cassation, la plus haute juridiction française. Il est probable qu'elles soient également rejetées, ce qui confirmerait une violation de l'article 8.

Pourquoi cette décision est-elle frustrante ?

Bien que la France ait reconnu que les recours juridiques n'existent que sur le papier et ne sont pas pratiquement applicables, la CEDH s'est concentrée sur des formalités procédurales. Cela oblige les plaignants à suivre des procédures longues, coûteuses et probablement infructueuses pour finalement confirmer une violation des droits humains. Cette situation est d'autant plus frustrante qu'elle concerne la liberté personnelle de milliers de personnes et met en lumière comment les États peuvent contourner leurs propres garanties juridiques lorsqu'ils recherchent des résultats spécifiques.

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